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Procès célèbre des compagnons charpentiers

Détail du cadeau appelé "Le Berryer" offert par les compagnons charpentiers  du devoir en remerciement de la plaidoirie du célèbre avocat.

Dans la grande tradition des catholiques sociaux, Berryer plaidera aussi lors de grands procès ouvriers. La loi Chapelier de 1791 abolit toute association ; les anciennes corporations régissant les métiers sont dissoutes et le peuple livré à la cupidité de la révolution bourgeoise de 1789. Une association d’ouvriers tombait sous le coup du délit de coalition.

 

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Le 26 août 1845, le grand avocat est à la barre du tribunal correctionnel de la Seine. Devant lui, sur « le banc d'infamie », ses clients, des ouvriers endimanchés. Berryer défend les compagnons charpentiers de la Seine, poursuivis pour délit de coalition et atteintes à la liberté du travail, en vertu des articles 414 et 415 du Code Pénal. En 1833, maîtres et compagnons avaient fixé d'un commun accord à 4 francs le prix de la journée. En 1845, les ouvriers demandèrent 5 francs ; la Chambre syndicale des maîtres charpentiers résista dans un premier temps puis laissa ses membres libres de s'entendre avec leurs ouvriers  ; le travail cessa le 9 juin 1845.

 

Cependant, sur 300 patrons, 230 trouvèrent fondée la réclamation de leurs ouvriers et acceptèrent les « cent sous » : les chantiers des autres furent boycottés. Le délit de coalition était patent et la condamnation automatique, mais Berryer réclamera avec force le droit pour les ouvriers de se réunir pour défendre leurs intérêts les plus essentiels en face d'un patronat que la loi napoléonienne a autorisé à s'unir dans une Chambre syndicale.

 

Berryer revendiquera le même droit en 1862 devant les magistrats de Napoléon III. Il est cette fois l'avocat des ouvriers imprimeurs de la Seine poursuivis pour avoir déserté les ateliers en guise de protestation contre la décision unilatérale des patrons, supprimant la Commission arbitrale permanente créée en 1843. Ce sera une nouvelle occasion pour Berryer de souligner les conséquences inexorables du libéralisme économique pour la classe ouvrière.

 

« Mais que veulent les ouvriers ? dira-t-on. Ils ont, comme tout le monde, la liberté que leur donne la loi de 1791 : pourquoi ne s'en prévalent-ils pas ? Ah ! c'est que, depuis 1791, les choses ont bien changé. La loi de 1791, abolissant les forces collectives, avait étendu à l'individualité les pouvoirs les plus grands ; il ne devait plus y avoir de corporations, plus d'assemblées, plus de registres, plus de président ; les forces collectives étaient détruites, afin que la France, disait-on, pût jouir des efforts individuels, de l'activité de chacun. C'était l'utopie du temps.

 

« Mais aujourd'hui, qui donc n'est pas corporé ? » 

 

« Nous ne voyons autour de nous que chambres syndicales : agents de change, notaires, avoués, huissiers, entrepreneurs de tous les corps d'état, tous ont leur chambre ; tout le monde est en corporation ; à une condition cependant : c'est qu'on soit maître. Et quand on sera ouvrier, on sera l'homme réduit à la seule force individuelle. S'il arrive à l'ouvrier de vouloir communiquer avec l'intelligence des siens, il commettra un délit ! 

 

« La liberté des transactions, la loi de 1791 ! Savez-vous ce qu'il en reste ? Je vais vous le dire : il en reste l'oppression de ceux qui ont le plus besoin de protection.  Je ne suis certainement pas un agitateur, je suis essentiellement conservateur, et c'est pour cela même que je repousse les traités de gré à gré entre le maître et l'ouvrier ; le traité de gré à gré, c'est le marché de la faim ; c'est la faim laissée à la discrétion de la spéculation industrielle ! » 

 

Berryer reprenait ainsi à son compte, devant la justice, la célèbre formule de Lacordaire : « Entre le maître et le serviteur, - nous dirions aujourd'hui entre le patron et l'ouvrier -, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit »

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Cartel du chef d’œuvre au musée des compagnons charpentiers de Paris

Titre de l’œuvre :

LE BERRYER

 

Daté de 1847, ce chef d’œuvre de reconnaissance porte le nom de l’avocat Pierre-Antoine Berryer qui plaida bénévolement la cause des Compagnons Passants Charpentiers du Devoir de Paris lors de la grève du 6 juin 1845 où 5000 Compagnons cessèrent le travail. Plus de 50 Compagnons furent arrêtés dont le Père et la Mère des Soubises. Œuvre extrêmement présente dans la mémoire ouvrière des Compagnons, ce baldaquin en noyer (h 2,40m, diam. 0,60m) porte la signature du Compagnon Pizargue tout en étant le résultat d’une volonté et d’un travail collectifs.

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