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Le palais Bourbon entre 1850-1871

Cliché Edouard Baldus (1819-1889)

L’homme politique

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Charles X (1757-1836) en 1829 par François Gérard (1770-1837)

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Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873)

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Berryer harangue la foule à la fenêtre de la mairie du 10e arrondissement de Paris le 2 décembre 1851. Gravure tirée de l’Histoire populaire contemporaine, Paris, Ch Lahure, 1864.

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Plafond de la bibliothèque du Palais Bourbon

peint par Eugène Delacroix, cousin de Berryer.

Très vite, l'homme politique double l'avocat. Chapu le sculpteur de la statue de Berryer, placée au Palais de Justice de Paris, en face de celle de Malesherbes1 et inaugurée en 1879, a eu l'idée d'écarter les deux pans de la toge pour découvrir l'habit de ville, décelant que l'avocat est aussi un homme politique.

 

​​​​Berryer se présente au Puy dès qu'il atteint l'âge de quarante ans, condition d'éligibilité. Charles X lui dit alors : « Il y a longtemps, Monsieur Berryer, que je les guettais, ces quarante ans »2.

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Son élection suscite le défi de Thiers : « Voilà Monsieur Berryer nommé. Maintenant, ce point obtenu, il reste encore à en obtenir un, c'est que Monsieur Berryer soit éloquent. Quelques plaidoyers fort riches en invectives ne sont pas encore une garantie d'éloquence politique ».3

 

Et pourtant, dès sa première intervention, dans laquelle il s'oppose à l'Adresse à Charles X, c'est un long frémissement d'admiration qui parcourt l'Assemblée. L'orateur est félicité, même par ses adversaires ; Guizot dit à Royer-Collard : « Quel beau talent ! » et le Président reprend : « Ne dites pas un talent, dites une puissance ».4

 

Le Gouvernement ne résiste pas aux germes de révolution : les troubles de 1830 éclatent.

 

A l’avènement de Louis Philippe, certains monarchistes, dont Chateaubriand, se démettent de leur fonction de député, pair et officier ; d'autres, autour de Des Cars, envisagent une action armée. Berryer, lui, est partisan résolu de l'action parlementaire. Il reste député de la Haute-Loire jusqu'en 1834, date à laquelle il sera élu à Marseille.

 

Dans cette optique de l'action parlementaire, qu'il croit seule capable de restaurer un « état d'esprit royaliste », Berryer tente vainement de dissuader la Duchesse de Berry d'un soulèvement en Vendée. Pour lui, « toute guerre, étrangère ou civile, en la supposant même couronnée de succès, ne peut, ni soumettre, ni rallier les opinions ».5

 

A la suite d'un quiproquo, Berryer est arrêté comme prétendu complice et traduit devant la Cour d'Assises de Blois le 16 octobre 1832, saisie par arrêt de la Cour de cassation, après cinq mois de détention provisoire. Le Bâtonnier du lieu et de nombreux avocats en robe prennent place à ses côtés. L'un d'eux réplique au Président qui les invite à se retirer : « Le banc des accusés est si honoré aujourd'hui par la présence de Maître Berryer que nous pensons nous honorer nous-mêmes en y demeurant »6. Le seul témoin qui incriminait Berryer n’osant plus soutenir son faux témoignage, l’avocat général abandonna l’accusation et le jury prononça l’acquittement.

 

​​​​​​​​​​​​​​​​Le Prince Louis Napoléon Bonaparte, arrêté en 1840 après le débarquement de Boulogne, fait appel, pour sa défense, au grand avocat légitimiste dont la renommée est incontestée. La manière dont Berryer sortira d'une situation si délicate intrigue le public. Son attaque profonde du Gouvernement est « pleine de témérités calculées, d'éclats d'éloquence qui s'arrêtaient au point fixe où ils allaient être réprimés par des juges offensés (…) le chef-d’œuvre de l'art d'oser »7 Louis Napoléon Bonaparte, reconnaissant, lui écrit le 5 octobre 1840 : « Dès que j’ai su que je  serais traduit  devant  la Cour des  Pairs, j’ai eu l’idée de vous demander de me défendre, parce que je  savais que l’indépendance de votre caractère vous mettrait au-dessus des petites susceptibilités de partis et que votre cœur était ouvert à toutes les infortunes [..]. Je vous ai donc pris par estime. Maintenant je vous quitte avec reconnaissance et amitié […] et je vous avoue que si mon procès ne devait avoir eu d’autres résultats que de m’attirer votre amitié, je croirais encore avoir immensément gagné et je ne me plaindrai pas du sort. Adieu, mon cher Monsieur Berryer, recevez l’assurance de mes sentiments d’estime et de reconnaissance »8 ;

 

Avec Chateaubriand et deux mille personnes, il va voir le Comte de Chambord exilé en Angleterre. La Chambre vote peu après une mesure de flétrissure à l'encontre des parlementaires qui ont fait ce voyage. Ces derniers démissionnent mais sont tous réélus.

 

​Sous la Seconde République, Berryer poursuit sa carrière politique bien qu'il estime que ce régime ne convient pas à la France, rejoignant, sur ce point, l'avis de Rousseau : « S'il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un Gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes »9. Berryer pense pouvoir jouer un rôle au Parlement en se rencontrant « sur quelques points d'accord avec des hommes dont il ne partage pas les opinions. »10

 

Puis vient le coup d'État des 1er et 2 décembre 1851 : Louis Napoléon Bonaparte qui avait promis à Berryer de lui être reconnaissant, le fait emprisonner à Vincennes avec d'autres députés. Aussi, lorsque l'avocat sera solennellement reçu à l'Académie Française, il s'abstiendra de la présentation d'usage au Chef de l'Etat.

 

Sous le Second Empire, le parlementaire ne se présente pas aux élections. Le Corps Législatif est une assemblée muette d'où, dit-il, « la vie politique est entièrement retirée, et où je ne trouverai ni l'action publique, ni l'indépendance que les révolutions de 1830 et de 1848 ne nous avaient pas ravies »11

 

Si la tribune devient muette, le Prétoire est le refuge de la parole.12

 

Berryer consacre son talent à de nombreux procès civils et criminels. Il obtient notamment l'acquittement de Madame de Jeufosse, qui avait fait tuer par son garde, un jeune homme, pénétrant de nuit avec effraction dans le parc de sa maison, pour déposer des billets doux à la fenêtre de la jeune demoiselle de Jeufosse. Le Professeur Aussel estime que la Cour d'Assises n'a pas prononcé l'acquittement en vertu de la présomption irréfragable de légitime défense, mais « à la suite de plaidoiries très brillantes. »13

 

Ce talent, Berryer le déploie également dans les procès politiques. Tandis que, sous le règne de Louis Philippe, il a assuré la défense de Louis Napoléon Bonaparte, ce dernier, devenu Empereur, verra son avocat défendre la Maison d'Orléans touchée par le décret du 27 janvier 1852, qui oblige les descendants de Louis Philippe à vendre la moitié de leurs biens et leur confisque l'autre moitié. « Cette attitude de Berryer est d'autant plus méritoire que les Orléans et la plupart des prévenus qu'il défend maintenant comptent parmi ceux qui, sous la Monarchie de Juillet, se sont montrés les plus hostiles à sa politique ».14

 

Berryer se résignera à se représenter aux élections de 1863 et reconquiert alors son siège marseillais par 14 427 suffrages contre 7 915. Il représentait à peu près seul le parti légitimiste au Corps législatif et l'opposition ne comptait que quelques libéraux. " Réclamer en toute occasion le développement des libertés politiques, surveiller avec un soin scrupuleux les dépenses du gouvernement, signaler les dangers de la politiquer impériale à l'étranger, au Mexique, en Italie, en Allemagne, défendre le souverain pontife, défendre la paix telle fut l’œuvre de Berryer  au Corps législatif [..] Il contribue à faire rendre aux chambres le droit d'interpellation".15

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Notes :

 

1. Janzé Vicomtesse de, Berryer – Souvenirs intimes, Paris Plon et  Cie, 1881, p.10 : « Le généreux défenseur de Louis XVI semblait ainsi souhaiter la bienvenue à cet autre champion de la royauté méconnue et trahie » & p. 12 : « La souscription ouverte après sa mort avait eu un tel succès que l’on put en faire deux parts, deux œuvres. : une statue de marbre pour le Palais de justice de Paris ; une statue de bronze pour la ville de Marseille qui l’avait élu six fois député».

2. Lecanuet, Edouard, Berryer, sa vie et ses œuvres (1790-1868), sixième édition, Paris Bloud et Barral, 1900, p. 86

3. « Intérieur », in Le National, n°29, 1830, p 2

4. Vapereau, Gustave, Dictionnaire des Contemporains, Hachette, Paris, 1868.

5. Lecanuet, Edouard, Berryer, sa vie et ses œuvres (1790-1868), sixième édition, Paris Bloud et Barral, 1900, p. 130

6. Peytel, Adrien L'humour au Palais. Anecdotes. Répliques. Naïvetés. Préface de Curnonsky, Paris, A. Michel, 1925

7. A. Nettement, Berryer au barreau et à la tribune, Paris, 1868

8. Corato Nicolas, sous la direction de, Grandes plaidoiries et grands procès, L’art de l’éloquence depuis le XVe siècle, Le procès de Louis Napoléon Bonaparte, 3e édition, 2004, p. 277 et suiv.

9. Rousseau, Jean-Jacques, Du Contrat Social, Amsterdam, Marc-Michel Rey, 1762.

10. Berryer, Pierre-Antoine, Œuvres de Berryer. Discours parlementaires, 5 tomes, Paris, Émile Perrin, 1885.

11. Berryer, Pierre-Antoine, Lettre à M. de Surian, 5 février 1852

12. La Gazette des Tribunaux agrandit alors son format

13. Aussel, Jean-Marie, cours de droit pénal, Polycopié 2e année de droit, Montpellier, p. 73

14. Jacomet, Pierre, Berryer au Prétoire, Paris, Plon, 1938, p. 136

15.Lecanuet, Edouard, Berryer, sa vie et ses œuvres (1790-1868), sixième édition, Paris Bloud et Barral, 1900, p. 458

Statue de bronze, érigée en 1875,

place Monthyon à Marseille, « comme un illustre exemple à méditer et à suivre ".

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