top of page

Brèves réflexions

sur Berryer

et le conservatisme1

statue Berryer Vezien_edited_edited.jpg

Berryer place Monthyon à Marseille  - 1948

par Elie-Jean Vizien (1890-1982)

Défenseur du maréchal Ney sous la Restauration, avocat du prince Louis-Napoléon sous la Monarchie de Juillet, conseil de la famille d’Orléans sous le Second Empire, Pierre-Antoine Berryer semble défendre toutes les causes, sans se soucier des convictions de ses clients.

 

Et pourtant, nul n’ignore que Berryer fut l’un des chefs du « parti » légitimiste sous la Monarchie de Juillet (puis sous la Seconde République), et l’une des figures marquantes du conservatisme français au milieu du XIXe siècle. Chacun sait la fidélité monarchique du grand avocat et son dévouement constant à la cause d’Henri V. Cependant, le conservatisme de Berryer est quelque peu atténué, par son attachement aux libertés publiques modernes et à une certaine forme de parlementarisme.

 

C’est au mois de janvier 1830, « au soir de la monarchie », que Berryer entre dans l’arène politique. Élu député par les électeurs du département de la Haute-Loire, il siège dans les rangs de la droite royaliste. Dès le mois de mars, il monte à la tribune de la Chambre pour s’opposer à l’« Adresse des 221 », qui devait aboutir à la révolution de Juillet. Au lendemain des « Trois Glorieuses », il proteste solennellement contre les journées révolutionnaires et contre le changement dynastique. Dès lors, il sera l’un des principaux chefs du « légitimisme parlementaire », luttant courageusement contre le régime orléaniste2.

 

À la Chambre des Députés, l’ancien élève des Oratoriens de Juilly se fit notamment le défenseur de l’Église. En 1831, il protesta contre une tentative de rétablissement du divorce et, en 1845, il s’opposa aux attaques dont faisait l’objet la Compagnie de Jésus. Sous la Seconde République, Berryer se rapprocha du « parti de l’ordre » et, aux côtés de son ami Falloux, il contribua à la reconnaissance de la liberté d’enseignement.

 

Pourtant, le député Berryer ne se confond pas avec la seule cause contre-révolutionnaire et, à plusieurs reprises, il a défendu les principes du libéralisme politique. En premier lieu, Berryer place son action sur le seul terrain parlementaire : il refuse l’action armée et tente de dissuader la duchesse de Berry de soulever la Vendée (en 1832). En second lieu, au sein du parlement, Berryer n’hésite pas à faire alliance avec les députés de la « gauche dynastique » (dont Odilon Barrot était le principal représentant)3. Mais surtout, Berryer se fait le défenseur des libertés publiques : à la barre ou à la tribune, il défend la liberté de la presse, la liberté d’association et la liberté de correspondance. Enfin (sous la Seconde République) il appuiera les tentatives « fusionnistes » (entre les deux branches de la maison de Bourbon) et il se prononcera en faveur du « gouvernement constitutionnel et parlementaire »4.

 

Berryer incarne donc bien les ambiguïtés du conservatisme français au XIXe siècle. S’il soutient la cause de la monarchie légitime, il reconnaît sincèrement les aspirations de la France nouvelle, au risque de s’aliéner le soutien des monarchistes les plus intransigeants.

 

Notes

1. Collectif, dirigé par Frédéric Rouvillois, Le dictionnaire du conservatisme, La Nef, 17 nov. 2017.

2. Sous la Monarchie de Juillet puis sous la IIe République, Berryer se présenta à la députation devant les électeurs marseillais et fut constamment réélu. Au début du Second Empire, il refusa de siéger au sein du Corps législatif mais en 1863, il se présenta à nouveau devant les électeurs marseillais qu’il représenta jusqu’à sa mort, en 1868. Sur la carrière et la doctrine politiques de Berryer, V. notamment : É. Lecanuet, Berryer, sa vie et ses œuvres, Bloud et Barral, 1893 et L. Marchand, Les idées de Berryer, Nouvelle librairie nationale, 1917.

3. Ce phénomène est désigné sous le nom de « wighisme ». V. S. Rials, Le légitimisme, PUF, « Que sais-je ? », 1983 et H. de Changy, Le mouvement légitimiste sous la Monarchie de Juillet (1833-1848), PUR, 2004.

4. Dans un célèbre discours du 16 janvier 1851.

bottom of page